Simulations, cratères et mensonges : l'ultime tentative de Postol pour saper les derniers vestiges de sa réputation

Au début du mois d’août 2019, Tulsi Gabbard a publié sur son site de campagne «Déclaration sur les attaques chimiques en Syrie», exprimant son point de vue sur les allégations d’attaques à l’arme chimique en Syrie. Un point de vue reposant principalement sur les travaux du Dr Theodore Postol, professeur émérite de sciences, technologie et politique de sécurité nationale au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Outre diverses erreurs, contradictions et déclarations trompeuses présentes dans ce texte, des liens vers le travail de Postol sur les attaques à l’arme chimique en Syrie ont été inclus. Parmi ces références se trouvait ce qui était censé être un texte inédit intitulé «Analyse scientifique par ordinateur des données sur l’attaque chimique de Khan Cheikhoun le 4 avril 2017», publié par Postol et d’autres contributeurs, qui ont utilisé des simulations informatiques pour prétendre que le cratère formé à Khan Cheikhoun n’avait pas été créé par une bombe larguée depuis les airs, comme l’affirmait le mécanisme d’enquête conjoint de l’OIAC et de l’ONU (Joint Investigative Mission – JIM), mais par l’impact d’une roquette de 122 mm.

Résumé des allégations de Postol et Cie.

Le principal argument de l’article de Postol porte sur le cratère, qui, selon le rapport du mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU sur Khan Cheikhoun a été «causé par l’impact d’une bombe aérienne se déplaçant à grande vitesse», en l’occurrence une bombe chimique. Selon Postol et ses contributeurs, des simulations informatiques montrent que ce cratère aurait en fait été créé par l’impact d’une roquette sol-sol.

Dans une lettre datée du 25 octobre 2017 découverte sur le site web du Centre russe de recherche sur les politiques (PIR Center), Postol décrit les résultats de son rapport à une certaine «Mme Grebenkina», lui demandant son aide pour transmettre son «document à la délégation russe à l’ONU». Les métadonnées du fichier PDF indiquent que le nom de fichier original était «Note2Sputnik_ (October25,2017) _» (note à Sputnik 25 octobre 2017 – ndt) – tandis qu’une Sofya Grebenkina travaille pour l’agence d’information russe Sputnik.

Le 30 octobre 2017, Sputnik a justement publié un article basé sur le contenu de cette lettre, sans inclure la demande de Postol au sujet de la transmission du document à la délégation russe de l’ONU. La raison pour laquelle le document se trouve sur le site Web du PIR Center n’est pas claire. Postol résume son texte comme suit :

«L’analyse scientifique effectuée par deux de mes collègues, le professeur Goong Chen et le Dr Chung Gu, de la Texas A & M University, explique sans ambiguïté comment ce cratère a été créé.»

«Nos calculs ont permis de formuler l’hypothèse que le cratère a été formé par une ogive explosive de roquette d’artillerie standard de 122 mm, du type que l’on peut acheter partout dans le monde. Un exemple de cette ogive militaire standard est présenté dans l’image ci-dessous. Cette variante particulière d’ogive pèse environ 18,4 kg et porte une charge explosive de 6,35 kg. Le poids exact de la charge contenue dans ces ogives faciles à acheter varie quelque peu, mais les effets explosifs des charges d’un poids légèrement différent ne correspondent généralement pas avec les résultats présentés dans nos calculs.»

L’image mentionnée par Postol est présentée ci-dessous. La source originale de cette image est un diaporama de Tohan SA, un fabricant d’armes roumain :

Image d’ogives de 122 mm utilisée dans la lettre de Postol du 25 octobre 2017

Postol déclare ensuite : «Nos résultats montrent exactement ce que l’on observe sur la photo.»

Dans sa lettre, Postol passe ensuite au moteur utilisé. Plutôt qu’un moteur standard de 122 mm, utilisé sur les roquettes lancées par la plate-forme habituelle pour ce type de munitions – tel que le lance-roquettes multiples BM-21 Grad – Postol affirme que la fusée était «presque certainement fabriquée localement, avec une ogive trouvée dans le commerce et un ensemble igniteur/buse fixé à chaque extrémité de la roquette artisanale».

Malgré l’existence de nombreuses images du conflit en Syrie montrant des armes artisanales utilisées par chaque partie au conflit, Postol ne présente aucun exemple de moteur de roquette artisanale armé d’une ogive de 122 mm fabriquée en usine. Les auteurs de ce texte n’en connaissent pas non plus d’exemple.

Postol termine le résumé de son travail ainsi :

«Il ne fait donc aucun doute que le cratère a été créé par une ogive explosive standard de 122 mm comme on peut en acheter dans le monde entier. Il n’y a absolument aucune preuve de l’existence d’un conteneur de sarin. Le tube fendu qui a été identifié de manière erronée comme preuve du remplissage du conteneur avec du sarin est simplement le boîtier du moteur de la roquette qui a propulsé l’ogive industrielle jusqu’au lieu de l’explosion.»

Comparaison du cratère de Khan Cheikhoun avec les impacts d’ogives de 122 mm

Postol affirme donc clairement que le résultat de son enquête montre comment une ogive explosive standard de 122 mm a formé le cratère de Khan Cheikhoun et que « le poids exact de la charge dans ces ogives faciles à acheter varie quelque peu, mais (que) les effets explosifs de charges d’un poids légèrement différent ne correspondent généralement pas avec les résultats présentés dans nos calculs.»

Les roquettes de 122 mm sont largement utilisées dans les conflits à travers le monde. Les cratères formés par leurs impacts ont été filmés et photographiés. Comme Postol lui-même affirme que les charges de poids différents « ne correspondent généralement pas avec les résultats présentés dans nos calculs », nous pouvons supposer que si les calculs de Postol et cie sont exacts, il devrait alors exister de nombreux exemples visibles dans la réalité de cratères formés par des ogives de 122 mm comparables au cratère vu à Khan Cheikhoun.

Un exemple particulièrement bien documenté d’utilisation de roquettes de 122 mm est l’attaque de janvier 2015 à Marioupol, en Ukraine, où un centre urbain a été la cible de plusieurs roquettes de ce type. Les vestiges de roquettes retrouvés sur le site indiquent que ces roquettes ont été lancées depuis des BM-21 Grads et qu’elles porteraient les ogives « standard » mentionnées par Postol. Si les calculs de Postol et cie sont corrects, nous devrions donc nous attendre à observer des cratères très semblables à celui de Khan Cheikhoun.

Ce n’est pourtant clairement pas le cas lorsque l’on fait la comparaison entre le cratère de Marioupol et le cratère de Khan Cheikhoun, présenté ci-dessous :

Le cratère de Khan Cheikhoun (Source : Aleppo Media Centre)

Le groupe Forensic Architecture a pu mesurer le cratère, établissant sa largeur à 1,61 m de diamètre au point le plus large et d’une profondeur allant jusqu’à 0,49 m :

Nous pouvons faire la comparaison avec plusieurs cratères sur différentes surfaces de Marioupol. Ce graphique de Human Rights Watch en montre plusieurs, dont l’un avec les morceaux d’une roquette de 122 mm enfoncés dedans. Tous sont beaucoup plus petits que le cratère de Khan Cheikhoun:

Graphique de Human Rights Watch montrant des cratères de roquettes de 122 mm après l’attaque de Marioupol en janvier 2015 (Source)

Bellingcat a enquêté sur l’attaque de Marioupol en 2015 et a rassemblé une vaste quantité de vidéos montrant le moment de l’attaque et ses conséquences, documentant au passage de nombreux impacts d’ogives de 122 mm. Aucun ne ressemble au cratère de Khan Cheikhoun. Concrètement, l’affirmation de Postol et de ses collègues selon laquelle le cratère de Khan Cheikhoun a été créé par une ogive standard de 122 mm ne correspond pas aux données visibles dans la réalité, quelle que soit la représentation donnée par leur simulation informatique.

Il est même possible de retrouver des cratères de roquettes de 122 mm dans le travail de Postol lui-même, et – surprise ! – ils ne correspondent pas non plus au cratère de Khan Cheikhoun. Dans «Les preuves des faiblesses dans le système de défense du dôme de fer», Postol utilise plusieurs images pour étayer ses conclusions. La figure 16, intitulée «Une roquette a explosé près d’une route du conseil régional de Sdot Negev, causant des dommages à la route mais ne faisant aucun blessé. (Juillet 2014)», montre les restes d’un moteur de roquette à côté d’un petit cratère d’impact peu profond.

Figure 16 de «Les preuves des faiblesses dans le système de défense du dôme de fer» de Postol (Source)

Une image plus claire du moteur de roquette peut être vue ici. Un gros plan du moteur est également visible ici. Il s’agit du moteur de roquette de 122 mm, largement utilisé par le Hezbollah, qui serait armé d’une ogive «standard» de 122 mm. On ne sait pas comment, malgré les travaux approfondis qu’il a menés sur le dôme de fer et les roquettes qu’il a interceptées, y compris des roquettes de 122 mm, Postol n’a pas pu constater les écarts importants entre sa simulation et les exemples réels d’impacts d’ogives de 122 mm.

Comparaison du cratère Khan Cheikhoun avec la simulation de Postol et cie

L’article de Postol et cie s’appuie largement sur des affirmations selon lesquelles les restes de la munition à l’intérieur du cratère appartiendraient à une fusée improvisée de 122 mm, présentant des défauts de fabrication et une ogive «standard» de 122 mm. Il n’existe aucune raison de choisir cette hypothèse en particulier, si ce n’est qu’elle correspond à la simulation. Cette dernière inclut le moment de l’impact, avec les restes du moteur de la roquette reposant dans le cratère, comme indiqué ci-dessous :

Il existe deux différences majeures entre cette simulation et le cratère réel documenté à Khan Cheikhoun.

Les restes retrouvés à l’intérieur du cratère ne correspondent pas aux résultats de la simulation. Postol et cie affirment en effet que ces débris sont les restes d’un moteur de roquette artisanale et que ce moteur de roquette cylindrique s’est séparé en raison d’une fabrication de mauvaise qualité. Selon la simulation, l’extrémité avant du moteur de roquette se scinde à la suite de la détonation de l’ogive, comme indiqué ci-dessous :

Capture d’écran de la simulation par Postol et cie de la détonation de la munition simulée peu après l’explosion de l’ogive (Source)

Une fois la roquette immobilisée, la partie scindée de la roquette est incrustée dans le cratère, l’arrière cylindrique de la roquette étant toujours visible :

Capture d’écran de la simulation de Postol et cie sur l’explosion de la munition simulée après son immobilisation (Source)

Dans les images et vidéos montrant ce fragment, nous pouvons voir que ce que Postol et cie pensent être le côté extérieur du moteur de roquette est recouvert de ce qui semble être une sorte de couche texturée. Cette couche recouvre uniformément un côté du fragment.

Dans ces images, la surface rugueuse du «moteur de roquette» est clairement visible (Source)

Pour quiconque ayant une connaissance de base du fonctionnement de l’artillerie à tube, il est très clair que ce revêtement fait du fragment un élément peu adapté pour appartenir à un moteur de roquette. Ce type de revêtement rendrait difficile voire impossible l’entrée de ce «moteur de roquette de 122 mm» dans un tube de lancement. Cela la rendrait également très imprécise.

Postol et ses collègues suggèrent également que ce «moteur de roquette de 122 mm» ait eu une «soudure» avec un «bord renforcé». Leur simulation «suppose la préexistence d’une faiblesse structurelle le long d’une génératrice du cylindre, en raison de la soudure possible dans la fabrication d’un tube».

Illustration de l’article de Postol et cie montrant leur modélisation de la roquette

Cependant, un examen plus approfondi de ce «bord renforcé» ne semble pas étayer la conclusion de Postol et de ses collègues. Bien que le dit «bord» semble être une soudure, nous pensons, après avoir modélisé ce fragment, qu’il fait en réalité partie du boîtier d’une munition beaucoup plus grosse.

Photographie en gros plan du fragment dans le cratère

En utilisant un grand nombre d’images et de vidéos du fragment dans le cratère, nous avons modélisé l’apparence qu’il pourrait avoir selon nous, à la fois sous sa forme pliée et après son déploiement.

En haut : fragment à l’état plié. En bas : fragment à l’état déplié

Une des principales caractéristiques du fragment de métal est une barre de métal incurvée attachée dessus qui, selon l’affirmation de Postol, aurait dû couvrir toute la longueur du moteur de la roquette artisanale. La simulation ne semble pas tenir compte de cette caractéristique, ni de la manière dont elle aurait été pliée vers l’intérieur par l’explosion d’une ogive militaire de 122 mm à l’extrémité opposée du moteur de la roquette. Dans la lettre de Postol, publiée par Accuracy.org, Postol décrit le fragment de métal comme suit :

«Le rapport de l’OIAC n’identifie jamais l’objet en métal dans le cratère comme un tuyau d’environ 120 mm de diamètre. Au lieu de cela, il décrit le tube comme un objet qui, selon les enquêteurs, a été créé par l’impact d’une bombe d’environ 300 à 500 mm de diamètre. Il n’y a aucune explication sur la manière dont une feuille de métal pourrait s’être roulée en un tube de diamètre uniforme de 122 mm de diamètre. L’objet en forme de tube n’est jamais décrit comme un tube dans les rapports, tandis que l’autre objet est identifié dans le rapport comme un bouchon de remplissage.»

Ce que Postol déclare être un “tube de 122 mm” dans le cratère de Khan Cheikhoun

Il est difficile de comprendre comment quiconque ayant pris le temps de revoir les images du fragment de métal en arriverait à la conclusion qu’il s’agissait d’un «tube de diamètre uniforme de 122 mm de diamètre» comme le prétend Postol. Cette affirmation ne résiste tout simplement pas à l’examen le plus superficiel des images en question.

Incohérences entre le cratère simulé et le cratére réel

Non seulement le cratère du simulateur ne correspond à aucun autre cratère de roquette de 122 mm que nous avons observé, mais il ne correspond pas non plus au cratère de Khan Cheikhoun.

Dans la simulation de Postol, la roquette percute une route où le goudron est simulé avec une épaisseur de 10 cm, avec de la terre au-dessous. Toujours dans la simulation, nous voyons qu’en dehors de la cuvette du cratère, le macadam subit d’importants dégâts sur une vaste zone. Ces dommages sont localisés sur le côté nord de la cuvette du cratère et vont de 1 cm à 10 cm de profondeur.

Dommages vus en simulation. Notez les dégâts importants sur le tarmac à gauche (nord) du cratère.

On ne voit rien de tel dans le cratère de Khan Cheikhoun. Le tarmac du côté nord du cratère est presque complètement intact, exceptées plusieurs fissures. Si la simulation était précise, la zone surlignée en jaune ci-dessous présenterait des dommages importants, avec des lacérations d’au moins 10 cm de profondeur.

Comparaison des dommages observés dans la simulation de Postol avec le cratère réel (Source)

En fait, le type de dommage observé dans la simulation n’est visible dans aucune direction autour du cratère.

Notez qu’aucune zone autour du cratère n’affiche le niveau de dommage observé dans la simulation (Source)

Ce type de dommage, qui fait partie de la simulation, correspond en revanche à d’autres exemples d’impacts de roquettes de 122 mm. Pendant la détonation de l’ogive, les éclats d’obus sont soufflés vers l’extérieur et, sur les surfaces planes, peuvent laisser un motif distinctif en éventail.

Un phénomène que Postol devrait bien connaître. Le 22 mai 2019, Accuracy.org a publié «Nouvelles évaluations émanant de scientifiques de renom accusant l’OIAC d’avoir truqué de prétendues attaques chimiques syriennes utilisées pour justifier des bombardements américains» , sur la base de lettres et d’articles soumis par Postol à divers organes en rapport avec son article. Dans une lettre jointe adressée au «Ministérel allemand des affaires étrangères» (sic) («German Foreign Ministryl» en anglais dans le texte – ndt), Postol réitère ses positions sur la base de sa dernière analyse, en particulier de la déclaration suivante :

«Les supercalculateurs montrent que la géométrie de la charge et son orientation par rapport au sol produisent un cratère classique ayant un périmètre en forme de larme (c’est-à-dire un périmètre non circulaire). Les cratères ayant cette forme sont connus pour être produits par des roquettes d’artillerie, comme indiqué dans le manuel à l’intention des soldats de la paix des Nations Unies dans le document «modules de formation de base préalable au déploiement des Nations Unies».

«La section 1.2 intitulée «Vérification des champs de mines, restes d’explosifs de guerre et analyse de cratères» contient les informations de base sur l’identification de cratère utilisées par les forces de maintien de la paix de l’ONU sur le terrain. Des instructions similaires peuvent être trouvées dans les manuels de terrain des officiers d’artillerie de l’armée américaine. Ces caractéristiques des cratères de roquettes d’artillerie sont donc très bien connues des vrais professionnels qui traitent de ces questions.»

Le document auquel Postol fait référence comprend des diagrammes de cratères d’impacts provenant de diverses munitions. L’image suivante montre le cratère d’impact d’un cratère à angle faible, créé par des munitions telles que des obus d’artillerie et des roquettes de 122 mm :

Image des modules de formation de base préalable au déploiement des Nations Unies, montrant un cratère de roquette à angle faible

Chez Bellingcat, nous connaissons bien ces cratères et les méthodes de mesure décrites dans les modules de formation de base préalable au déploiement des Nations Unies. En 2015 et 2016, nous avons publié deux rapports utilisant l’imagerie satellite montrant des cratères d’impact et les méthodes de mesure décrites dans le document de l’ONU afin d’identifier des dizaines de sites d’attaques d’artillerie depuis la Fédération de Russie vers l’est de l’Ukraine.

Il ressort clairement des diagrammes du document de l’ONU que les cratères décrits ne correspondent pas au cratère visible à Khan Cheikhoun, notamment en raison de l’absence de projections latérales provoquées par la détonation de l’ogive de 122 mm que Postol et ses collègues ont simulée.

Dans la vidéo ci-dessous, la simulation a été superposée à une image du vrai cratère, montrant les endroits où nous nous attendions à voir des dommages :

La comparaison ci-dessous entre le cratère réel et le cratère simulé montre clairement l’absence de dommages dans des zones où la simulation de Postol et cie indique qu’il devrait y avoir des dommages – c’est-à-dire au nord du cratère :

Bien que la forme de bol du cratère soit superficiellement similaire, les dommages causés à l’extérieur du bol ne peuvent pas être simplement ignorés, car ils fournissent des informations essentielles sur la nature de la munition et sur sa trajectoire. Il semble incroyable que les auteurs de cet article puissent affirmer que «le calcul mathématique et mécanique prédit essentiellement la plupart ou la totalité des caractéristiques observées sur le lieu du cratère de Khan Cheikhoun» car, comme nous l’avons vu ci-dessus, ce n’est tout simplement pas vrai.

Dans la vidéo ci-dessus, on remarque que les débris de l’ogive représentés en rose traversent un espace occupé par une armoire métallique. Ceci est significatif car, bien que la simulation de Postol et cie montre que ces projectiles roses endommagent clairement le sol autour du cratère, ils n’ont rien modélisé à l’emplacement de l’armoire métallique.

En se basant sur leur simulation, il semblerait que cette armoire métallique devrait montrer des dommages importants, mais les images de la scène montrent que ce n’est absolument pas le cas. La vidéo suivante montre clairement qu’aucun éclat d’obus n’est visible sur l’armoire métallique :

Cependant, dans leur article, Postol et ses collègues soutiennent que cette armoire devrait être intacte :

«Un autre argument avancé par les experts engagés par le JIM fait état du peu de « signes visibles de dommages causés par la fragmentation ou la surpression, en particulier sur l’armoire métallique située de 3 à 5 m du cratère »[3, paragraphe 54]. Bien que le rapport ne le précise pas, il semble que cette observation s’applique à l’un des scénarios spécifiques examinés par le JIM, ici celui dans lequel le cratère aurait été créé par une charge explosive posée au sol. Dans ce cas de figure, on s’attendrait en effet à ce que l’armoire en métal soit endommagée. Cependant, dans le scénario considéré ici, il convient de prendre en compte le fait qu’une charge explosive cylindrique, telle qu’une ogive de 122 mm considérée dans la présente analyse, ne produirait pas une onde de choc à symétrie sphérique ni un nuage de débris. Pour les munitions avec un rapport longueur/diamètre élevé, la plupart des débris seraient répartis selon un motif annulaire perpendiculaire à l’axe de la munition (pointé vers l’avant si le mouvement de la munition est pris en compte). En fait, cet effet est visible sur le deuxième panneau de la séquence d’explosion illustrée à la figure 3.1. L’emplacement de l’armoire métallique la situe dans un angle qui ne risque pas d’être affecté par les débris d’explosion.»

Au mieux, cela montre que la simulation aurait dû inclure une représentation de l’armoire métallique. Ceci, combiné au manque de dommages autour du cratère modélisés dans la simulation, remet en question l’exactitude de l’affirmation contenue dans l’article selon laquelle la simulation recrée véritablement le cratère vu à Khan Cheikhoun, et qui ne montre certainement pas comme l’affirmait Postol «exactement ce que l’on observe sur la photographie.»

Une méthodologie problématique

Bien que Postol et ses collaborateurs aient choisi de simuler la théorie précédente de Postol, mise de côté, selon laquelle l’explosion d’un conteneur de sarin aurait été déclenché au sol, ils ont choisi de ne pas effectuer la simulation d’une munition remplie de liquide, larguée depuis les airs. C’est pourtant l’hypothèse du JIM OIAC-ONU, considéré comme l’autorité en matière d’attaques chimiques.

Malgré le large éventail de preuves examinées par le JIM OIAC-ONU, les auteurs ont donc simplement décidé qu’il n’effectueraient pas de simulation, une décision plutôt étrange.

Publication

L’article de Postol et cie est rédigé dans un format académique, comme s’il avait été publié dans une revue. Nous n’avons toutefois trouvé aucune référence à ce papier dans une publication évaluée par des pairs. Le site web de Tulsi Gabbard et Accuracy.org semblent être les seules sources. Selon Accuracy.org, «ce manuscrit a été accepté pour publication par Science and Global Security, une revue scientifique de référence sur les sciences et publiée par l’Université de Princeton».

Au moment de la rédaction de cet article, le journal en question n’avait pas publié cet article. Nous avons du mal à voir comment une revue avec un comité de lecture pourrait publier un document contenant autant d’erreurs aussi grossières et évidentes, d’autant plus que ce document semble déjà avoir été utilisé par l’un des États impliqué dans le conflit pour tenter de décrédibiliser le travail du JIM OIAC-ONU.

Un article d’Eliot Higgins traduit par le collectif Syrie Factuel.